[article] Chronique de Pan Cake par Romaric Sangars
Pan Cake vient à peine de sortir, et déjà une chronique fort sympathique écrite dans Chronic’art par Romaric Sangars.
Pan Cake vient à peine de sortir, et déjà une chronique fort sympathique écrite dans Chronic’art par Romaric Sangars.
[Article écrit pour Libr-critique.com]
Depuis quelques temps [cf. Télérama du 27 janvier], et encore ces derniers jours, semble se poser la question du roman, de sa nature, de sa manière d’être, ou encore d’apparaître, de son existence ou encore même de sa survivance. Ceci posant bien évidemment la question de la littérature en cette époque, de ce qu’il en est, de ce qui travaille en elle, de ce qu’elle travaille ou machine afin d’apparaître.
Crise du roman, ou plutôt crise de l’interprétation de ce qu’est le roman. Que l’on se reporte au livre de Jean Bessière [ici], ou bien aux questions que se posent Richard Millet [écrivain et éditeur à Gallimard] et Jean-Marc Roberts [éditeur de Stock], ou encore au fameux article de Francis Marmande, qui suite aux remarques de François Bon [ici], commence à se faire connaître, et contre-dire [par exemple sur le site lignes de fuite de Christine Génin [ici]], à chaque fois la question du roman est pensée comme ouverture d’une crise, et delà d’une certaine forme de critique de sa présentation actuelle, comme si cette manière d’être actuelle, chez un certain nombre, ne représentait pas ce que serait essentiellement le roman. C’est en ce sens que face à ces constats de crise, je vais tenter de montrer la qualité et la pertinence de certaines analyses de Devenirs roman publié par les éditions inculte/naïve.
Symptomatologie d’une critique
Il s’agit donc de parler de crise du roman. Crise que J. Bessière stigmatise à travers l’opposition d’un côté d’une littérature qui s’enroule sur elle-même, s’interrogeant davantage sur sa forme et sa présence que questionnant le monde, se focalisant sur le sujet qui s’exprime [auto-fiction] et non pas le monde où il existe et de l’autre d’une littérature qui non-autotélique, se porte vers le monde, semble se donner dans une certaine forme d’engagement, de déréférencialisation au simple vécu énigmatique de l’ego. Crise que Richard Millet et Jean-Marc Roberts constituent à travers le fait qu’il n’y ait plus de vrais lecteurs, à savoir de grands ou gros lecteurs, et que de plus il n’y ait plus de critères pour hiérarchiser les oeuvres au niveau qualitatif, à savoir donc plus de critiques, tout semblant relativiser, et ceci symptomatiquement en liaison avec internet et les blogs. C’est ainsi que Jean-Marc Roberts peut déclarer : « Je suis optimiste pour le roman, mais pessimiste sur notre époque qui est anti-littéraire. Le pire, ce sont les blogs : non seulement les gens ne lisent plus mais ils ne vivent plus. Interdisons les blogs ! ». Crise enfin, que Francis Marmande détermine selon la cause même d’internet, et ceci en citant d’une façon erronée Hugo, comme Christine Génin l’a parfaitement analysé sur Lignes de fuite.
Cette crise semble se constituer de plusieurs symptômes, mais qui en fait peuvent être pensés sous le principe d’une analyse de ce que pourrait être la post-modernité historiquement. En effet J. Bessière critique le fait que la littérature se soit enfoncée dans un jeu sur elle-même : mise en question de sa forme, auto-réflexion sur soi du sujet écrivant et abandon de la confrontation au réel, etc… On reconnaît là un double trait de l’ère post-moderne : d’un côté le passage au relativisme des jeux de langage, et de l’autre une forme de narcissisme qui se serait immiscée de la dimension sociale à la dimension de la littérature. De même si on considère le premier symptôme posé par l’entretien de J.M Robert et de R. Millet, on s’aperçoit que la perte du critère de jugement, à laquelle correspond alors une forme de prétention individuelle à pouvoir se poser soi-même comme critère, est dans la lignée de la critique de la post-modernité, en tant que lieu de l’égalisation des différences, relativisation absolue des principes, hégémonie du sujet du point de vue du jugement par rapport à un critère réfléchi rationnellement, etc… On le perçoit, alors qu’ils établissent une ligne de ce que serait généalogiquement la vérité en littérature, donc le vrai roman, ils traduisent le malaise de voir que l’on ne voit plus historiquement cette ligne apparaître, de sorte qu’il semblerait que cette ligne constituant le méta-récit de la littérature, ait disparu dans la fragmentation des micro-récits, de micro-territoires littéraires. Ce qui renvoie finalement au deuxième symptôme qui est indiqué dans l’entretien : internet. Car en effet, et là on perçoit bien l’appréhension de Francis Marmande, internet serait bien le lieu d’une circulation illégitime de la littérature, pouvant mettre en péril la fragile structure éditoriale du livre, notamment qui a pignon sur rue, ou bien qui s’affiche régulièrement en tête de gondole. Internet, et c’est maintenant de plus en plus évident, est caractéristique de ce qui a pu être dénoncé sous le concept de post-modernité. Dimension d’expressions multiples, où de nouvelles hiérarchies se font/défont [lieu donc d’une archi-mémoire amnésique], où des expériences diverses se constituent, où s’assemblent des communautés aussi bien de lecteurs que d’écrivains, où la subjectivité constitue sa propre fiction d’existence, et qui paraît à F. Marmande comme le couteau saignant peu à peu la réalité du livre, la force du roman.
Lors de son discours de campagne de Maison-Alfort [2 février 2007], Nicolas Sarkozy, stratégiquement, a visé une nouvelle catégorie ancrée à gauche : les professeurs. Il est nécessaire de mettre en évidence un certain nombre de faux-semblants véhiculé par sa diatribe.
Faisant le constat d’un échec de l’Éducation Nationale, il a focalisé tout au long de son intervention le problème de l’École, comme ne dépendant que du rapport professeur-élève et du statut professoral. En, ce sens, si l’école éprouve certaines difficultés et s’il y a des problèmes qui se produisent dans les collèges et les lycées surtout, cela tient principalement à la manière dont l’École est pensée actuellement. C’est en ce sens qu’il a posé la nécessité d’un redurcissement de l’École aussi bien au niveau de l’apprentissage qu’au niveau de la discipline, ceci devant produire l’effet escompté : un rétablissement de l’ordre dans le cadre scolaire.
Toutefois, derrière cette apparente cohérence, des remarques sont à faire. Le philosophe Alain, au début du siècle, lorsqu’il définissait la construction de la conscience de soi, posait que celle-ci se faisait par imitation, reprenant en ce sens la thèse de Tarde, imitation de tout le bruit quotidien de la famille : papa, maman, la bonne. L’enfant immergé dans une famille, ne pouvant avoir de vie que locale (n’ayant aucun moyen technologique pour délocaliser ses références) était tenu dans le cadre familial, du quartier, de l’école, puis de l’entreprise, souvent sans jamais sortir de ces dimensions : peu de déplacements, peu d’informations, pas d’interaction avec des dimensions extérieures. L’imitation reproduisait effectivement les modèles de la famille, et souvent de la classe sociale et ceci via la reproduction des habitus comme l’a montré ensuite Bourdieu.
Cependant, ce début du siècle, ou la fin du XIXème siècle est bien loin !
Ce n’est pas seulement l’École qui s’est modifiée, mais s’il y a eu modification de l’École, c’est corrélativement aux changements de la société et des processus de construction de soi de l’enfant. L’enfant ne se construit plus seulement dans le rapport à la famille, mais dès le plus jeune âge, il est immédiatement poser face à des modèles hétérogènes à celle-ci, extérieurs, et produits dans bien des cas selon une logique médiatique de profits pour celui qui fabrique le modèle. La psychologie sociale, à la base du marketing, étudie bien cela : il s’agit d’impacter positivement le récepteur d’une diffusion quelconque afin de lier avec lui une relation de dépendance. C’est en ce sens que la formation des modèles repose sur l’étude spécifique des conditions affectives et cognitives de réception de la part de l’enfant. L’enfant d’aujourd’hui, tirant ses modèles de la télévision, des jeux vidéos, des sites internets, n’est plus du tout celui du début du XXème, sa compréhension du monde, n’est pas forcément plus ouverte et plus large, mais elle s’est déplacée quant à ses références, elle s’est même dispersée pour se construire parfois selon certaines intentionnalités hybrides.
Dès lors l’Ecole, n’est plus le référent culturel éducatif premier qui succède à la sphère parentale et qui lui serait lié selon les valeurs. Mais dès le plus jeune âge, l’enfant est immergé dans des processus éducatifs extra-parentaux et pré-scolaires qui vont le déterminer et lui inculquer un ensemble de valeurs qui peuvent être parfois opposées à celles de la famille et de l’École.
C’est ce filtre qu’oublie Nicolas Sarkozy : le comportement des enfants ne vient pas d’abord de l’École et de son relâchement, mais la transformation de celle-ci est due à la transformation aussi bien des contenus que des formes de conscience des enfants. S’il y a des problèmes l’École, lié à certains types de comportements, c’est qu’agit pour une part ces nouveaux modèles sur l’élève. L’École n’est pas refermée sur elle-même, mais elle est le lieu où se diffuse même cette culture médiatiquement construite. Elle est le lieu de la socialisation des modèles ainsi perçus, lieu de leur assimilation.
Certes, l’idée de l’élève, comme table-rase, que l’on instruit fait rêver. On se laisse aller à penser quel bonheur cela serait si tous les élèves étaient dans la volonté d’apprendre, de se cultiver, de connaître. Toutefois, arrêtons-là les rêves. Car il ne faut pas considérer l’élève et l’École telle qu’on aimerait qu’ils soient, mais telle qu’ils sont et selon les conditions historiques de leur être.
Le problème de l’École est ainsi à reposer dans le cadre général d’une réflexion sur la culture et l’éducation selon l’ensemble des interactions sociales, culturelles et économiques.
Par conséquent, loin de penser l’École avec comme référent son passé pour tout horizon d’avenir, il faut réfléchir d’abord son présent, et les mécanismes qui la définissent, qui interagissent avec elles. Car au lieu de caricaturer l’Ecole et ses résultats comme le fait Nicolas Sarkozy osant dire cette absurdité : l’«école ne fonctionne plus comme un lieu de transmission du savoir mais comme une gare de triage où se joue, dès le plus jeune âge, la destinée de chacun», il vaudrait mieux d’abord s’intéresser spécifiquement au fait que certaines populations, tout à la fois localisables géographiquement et économico-socialement, ne peuvent transmettre le modèle de la réussite scolaire face aux modèles qui jouent sur la conscience de l’enfant, alors que pour la grande majorité de la population scolaire l’école est bien un lieu d’apprentissage, voire même d’épanouissements intellectuels, qui permet de se forger certains modèles. Et ce n’est pas en agitant sans cesse l’argent, la réussite financière [leitmotiv sarkozyste s’il en est un] que l’on pourra lutter contre certains modèles médiatiques hétérogènes à l’École, au sens où leurs valeurs sont plus efficaces et de loin sur la conscience des enfants ou adolescents.
Tout le paradoxe de Sarkozy, qui dépasse largement ce problème de l’École, apparaît : car son discours contredit les faits : ce qu’il défend, et qui il fréquente. En effet, et pour ce cas précis on le perçoit : d’un côté il est l’allié d’entrepreneurs qui font peu de cas de la culture au profit de leur bénéfice [Lagardère, Bouygues/TF1] et de l’autre son discours impliquerait une transformation globale du cadre social de l’École. Même paradoxe avec les travailleurs.
Mais ne nous leurrons pas : si sa stratégie est claire et visible, malheureusement elle ne sera que peu perçue, l’apparence des mots étant plus forte que leur analyse.
Il s’agira de parler de deux perspectives sur l’action qui sont exposées dans le premier numéro [n° 1-4] de la 4ème série de DOC(K)S, car en effet, à moins de vouloir développer un essai complet sur la poésie, il apparaît impossible de saisir dans le détail la somme de ce dernier numéro. Seul le choix d’une ligne de structuration peut permettre de comprendre en quel sens se joue des tensions critiques, théoriques et pratiques. Et pourtant… Et pourtant, l’action hante de très nombreux articles, on les croisera, de nombreux en revenant même à sa descendance, à ses origines grecques. Ce numéro n’est pas celui sur l’action, mais il en est ici certainement plus question que ce ne le fut précédemment, même si cela fait moins œuvre. Plus question, car donné par beaucoup comme question même de la poésie, de son ouverture, de sa réalisation.
L’action : le choix de deux textes, celui d’Alain Frontier développant une critique explicite de la théorie de la poésie action directe de Christophe Hanna, et le texte de Hanna renforçant les bases épistémologiques qui sont les siennes dans son livre pris ici en grippe. Choix de deux textes qui ne pourra ignorer cependant ceux qui croisent ces deux axes, tels ceux de Pey, Darras ou encore Leibovici. Pourquoi choisir ces deux perspectives ? Non pas seulement parce qu’elles sont l’une à côté de l’autre, mais parce que l’une et l’autre me paraissent synthétiser deux voies qui s’opposent aussi bien quant à la définition ontologique du sujet, que quant aux spécificités qui déterminent épistémologiquement la possibilité de saisir les enjeux d’une création donnée.
[artice paru sur Libr-critique.com]
Dans le Télérama du 1er février 2006 (n°2925), Olivier Céna, critique téléramiste, une nouvelle fois se distingue par son parti pris, par sa verve empâtée de bons sentiments et de visions métaphysiques. D’Olivier Céna, on sait qu’il sévit depuis déjà un certain temps dans ce magazine TV à destination des intellectuels. C’est ainsi que déjà en 1995, dans le Télérama hors série sur la photographie, il défendait une photographie humaniste, au sens où pour lui “l’un des intérêts fondamentaux de la photographie (…) peut être la révélation du regard universel de l’homme, de son état amoureux, de son humanité possible“. Grande déclaration, qui non seulement fait fie de ce que pourrait être précisément l’Humanisme (celui du XVIème siècle), mais qui en plus réduit l’histoire de la photographie à la première moitié du siècle.
Dans son article Passer la main, Olivier Céna repart en guerre contre certains processus d’abstraction et d’installation, en prenant comme prétexte l’exposition Notre Histoire, visible jusqu’au 7 mai au Palais de Tokyo. Dans cet article, comparant l’installation de Kader Attia, proposant un labyrinthe de matraques fixées à un mur, et de l’autre une peinture de Yan Pey-Ming qui a servi de couverture pour le Télérama du nouvel an, et qui représente une main brandissant une matraque, il se lance dans une attaque en règle des artistes post-modernes, artistes sans main, artiste designer, artiste qui aurait perdu, oublié, le rôle de la main dans la conception de l’oeuvre. C’est en ce sens qu’il établit une apologie de la main : “la main, comme le regard, est ce qui dès la naissance nous accueille ou nous repousse. En art, elle n’est pas qu’un simple outil au service d’un concept. Quel que soit le talent de l’artiste, le geste déforme, même imperceptiblement, révélant la personnalité de l’auteur (…). La main — le corps à l’oeuvre — dit ce que les mots ne peuvent énoncer. Elle ne ment pas, elle ne triche pas, elle révèle : l’être, l’humanité — cette empreinte émouvante sur le mur d’une grotte“.
La vision qu’il défend de l’art, je le souligne d’emblée, est héritière de l’analyse qu’a pu avoir Heidegger dans Qu’appelle-t-on-penser ? La verve d’Olivier Cena ressemble à celle de la vision phénoménologique de Heidegger, et implique le même horizon métaphysique : “L’oeuvre de la main est plus riche que nous ne le pensons habituellement. La main ne fait pas que saisir et attraper, que serrer et pousser. La main offre et reçoit (…). La main trace des signes, elle montre, probablement parce que l’homme est un monstre. (…) Mais les gestes de la main transparaissent partout dans le langage, et cela avec la plus grande pureté lorsque l’homme parle en se taisant. (…) Toute oeuvre de la main repose dans la pensée” [p.90, PUF].
Pour juger de l’exposition du Palais de Tokyo, Olivier Céna pose ainsi a priori un prisme d’analyse, qui non seulement permet de légitimer ou d’illégitimer ce qui est présenté, mais qui en fait projette a priori ce que devrait être d’abord et avant tout une oeuvre d’art : à savoir qui postule une essence trouvant son incarnation par le seul travail de la main.
Il est bien évident ici que nous pouvons apercevoir une démarche épistémologique qui ne réfléchit pas sur sa propre logique. Tout d’abord, Olivier Céna, au lieu de s’interroger sur la démarche posée par l’oeuvre, et non pas seulement par l’artiste, part de présupposés esthétiques qui subordonnent toute phénoménalité artistique à ses propres critères de vérité. Ici, l’art donc obéit à une essence, celle de la manoeuvre, qui correspond seulement à certaines déterminations historiques de sa concrétion. Il y a une confusion entre d’un côté les principes qui peuvent émerger de certaines démarches et de l’autre la possibilité de poser une vérité en art. Ce qui détermine certaines démarches est hypostasié en tant que critère de vérité, et vient de là condamner a priori toute autre démarche. Dès lors, c’est une inversion de la relation cause/effet qui va commander son discours, ce qui n’était qu”effet en tant que discours devient causalité de tout regard sur les oeuvres qui apparaissent.
Ceci le conduit à ne pouvoir s’interroger sur ce qui surgit dans l’art contemporain, notamment celui qui prend forme par les installations. Cet aveuglement l’empêche de comprendre en quel sens par moment, et notamment aujourd’hui, un certain tournant épistémologique en esthétique est impliqué par les oeuvres contemporaines qui se constituent au niveau numérique.
Sa démarche est contradictoire avec ce que tente d’observer, entre autres, Mario Costa, dans Internet et globalisation esthétique (L’Harmattan) : “La dimension esthétique de l’époque qui s’ouvre sera de moins en moins celle de l’art, et s’approchera de plus en plus de celle, que j’ai commencé à indiquer il y a vingt ans sous le nom de “sublime technologique“. Mario Costa, défend un tournant épistémologique du regard sur l’art, en tant que celui-ci dépend non seulement de ses conditions époquales d’apparition (d’où la nécessité de réfléchir au démarche de ready-made depuis Duchamp comme impliqué par des conditions socio-économiques impliquant une interrogation artistique), mais en plus des conditions technologiques de sa propre concrétion. Ainsi, si Olivier Céna peut mettre en critique l’artiste-concepteur, il témoigne par là de sa mécompréhension de l’usage par exemple des technologies en art, du fait que les oeuvres ne sont plus le résultat d’un artiste singulier, mais de réalisations de groupe, où le concepteur peut travailler avec informaticiens, avec des graphistes, afin de concrétiser son projet.
De même, alors que ce que privilégie Olivier Céna, tient à la re-présentation, et en cela à une mimésis qui serait à penser au sens de l’impensé de Hegel (voir sa description de la main de Yan Pey-Ming), l’art au XXème siècle s’est consacré davantage à la question de la présentation. Les installations, comme celle de Kader Attia, ne re-présentent pas, mais présentent, sont des présentations d’abord et avant tout, qui ne correspondent aucunement à la figuration d’une expression. “Les productions” comme le souligne Mario Costa, “ne sont plus caractérisées par le symbolique et par les suggestions nébuleuse qui en découlent, mais possèdent une essence cognitive indispensable et claire (…) Le travail esthétique devient une véritable investigation intellectuelle“.
Ce qui est alors reproché aux artistes post-modernes ne peut que faire sourire, car reposant sur une certaine inconsistance épistémologique et esthétique. Tout l’enjeu tient justement à réfléchir aux démarches post-modernes selon une analyse rigoureuse des oeuvres qui apparaissent. Aussi bien, au niveau artistique, qu’au niveau littéraire.
[article paru sur agoravox] Avec la sortie des Sims 2, il y a plus d’un an, une nouvelle pratique narrative est née sur les skyblogs : les histoires de Sims, faites de vignettes. Comment comprendre ce phénomène et cette narrativité ? Le phénomène Sims n’est pas récent au niveau du jeu vidéo, et sa mise en question par la littérature a déjà eu lieu de même, avec le livre par exemple de Chloé Delaume : Corpus Simsi (ed. Léo Scheer) où Chloé Delaume se fictionnalise et interroge ce monde numérique à partir de son avatar Sim. C’est en ce sens qu’elle avait ouvert corrélativement à la sortie de son livre, un blog : Le blog d’une Sims pire que les autres, avec un calendrier se déclinant sur le syntagme du jeu : 1er simsirien, etc. Mais, depuis, est sorti Sims 2, gestion 3D, beaucoup plus développé au niveau de ses moteurs de rendu, et des simulateurs de vie. Une nouvelle forme de narrativité est née sur Internet, qui associe création d’histoire et capture d’écran du jeu des Sims. A partir du site sofia-sims, il est possible de découvrir une multiplicité de sites qui déclinent ces histoires de Sims. La majorité des sites qui apparaissent dans ce type de narrativité semblent retranscrire une existence calquée sur celle qui est vécue au niveau du monde réel, à savoir ils se présentent comme des représentations/réappropriations d’un vécu de sens, et de sa mise en jeu selon l’imaginaire particulier de chacun des créateurs.
Si l’on considère le blog academie-mania, par exemple, on voit une aventure de jeunes qui rentrent dans une académie qui pourrait ressembler à la Star-academy. Le créateur duplique cette logique du format télévisuel, et met en situation ces personnages selon la variation des motifs psychologiques qui les relient. Dans un autre blog, il se met à décliner, façon sitcom, une histoire de couple. Ces blogs narratifs ainsi sont des lieux où les créateurs peuvent aborder un certain nombre de problèmes liés soit à la vie personnelle soit à la société. On retrouve par exemple cela dans le blog : Julia, Une femme, des rêves, une vie… qui raconte les aventures sentimentales et sociales d’une jeune femme lesbienne dans la lignée de la série L-World. L’auteur de cette aventure, qui en est à la saison 4, non seulement retranscrit une sitcom, mais en plus implémente dans son blog la logique de construction des séries, les composant par saisons. De plus, alors que les saisons 1 & 2 n’ont pas de cinétique, dès la saison 3, cela s’ouvre par l’intégration sous la forme de gif animé de cinétique. Il est évident, à lire ces histoires, qu’au niveau narratif, elles ne sont pas créatrices réellement d’un nouveau format, au sens, où elles ressemblent au roman-photo d’antan, mais selon une autre modalité de production d’images, puisque les acteurs de ces récits sont virtuels, issus de la modélisation de personnages. Mais ce qui différencie le classique roman-photo de ces histoires bloguées, tient au fait que les lecteurs peuvent donner leur avis, intervenir dans les comments. Ce dont ils ne se privent pas, si on considère le nombre de commentaires laissés par exemple sur les deux blogs de Julia qui retranscrivent les 4 saisons des aventures (6129 commentaires pour les 2 premières saisons et déjà 10733 commentaires pour les saisons 3 & 4 alors que la saison 4 n’est pas finie). Donc les créateurs, plutôt que d’entrer dans un ordre de trangression soit de la narrativité, soit même des convenances sociales, économiques, en redéploient la modalité par la variation seulement des contenus. En ce sens, ces aventures de Sims par vignettes se présentent comme des lieux de réflexion et de réappropriation de la réalité sociale par les auteurs, non pas en vue d’une critique, d’une remise en cause, mais en tant qu’ils semblent rechercher à définir par eux-mêmes, en tant qu’ils sont les démiurges de ces mondes, une certaine forme de cohérence sociale, par le jeu de rôle. Il y a ainsi tout à la fois un caractère symptomatique dans ces narrativités, et un espace de construction/réflexion du lien social. Caractère symptomatique du fait de la standardisation aussi bien du fond et de la forme. L’utilisation du blogging de skyblog, réduisant l’inventivité représentationnelle, formalisant la linéarité au plus strict minimum, et d’autre part le cadrage des vignettes reproduisant le plan américain des séries, la composition télévisuelle. Au niveau du fond, il est évident, que ce sont les modèles de même télévisuels qui influencent ces créations, en tant qu’elles en décalquent les principes aussi bien situationnels que les dialogues et les réactions. Mais au-delà de cette critique de la standardisation de l’imaginaire, il est aussi évident, que les créateurs entrent dans un espace où ils réfléchissent à leur propre existence par la médiation de la fiction qu’ils créent, de même cette réflexion entre en relation avec la communauté des commentateurs qui suivent ces aventures. Ainsi pour conclure, si rien de bien nouveau ne se présente vraiment dans ce nouveau format narratif, cependant une nouvelle fois se découvre en quel sens la possibilité de la réappropriation du lien social passe par les médiations numériques, aussi bien ludiques que narratives.