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Archive for December, 2006

Extrait de Poétique de la méchanceté,
publié en anthologie.

[extraits publiés dans En tous lieux nulle part ici [une anthologie], de Henri Deluy, éditions Le bleu du ciel, collection biennale internationale des Poètes en Val-de-Marne, 270 p. // Ces deux extraits sont tirés de Poétiques de la méchanceté]

autres extraits :
[+] [Preuve n°7 ] La femelle du Requin n°25. [lire sur leur site]
[Preuve n°21 ] La femelle du Requin n°20 [lire sur leur site]
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[fait divers#2]
Paris — octobre 1994

soit [a] et [b], couples, amis, amants, jeunes c’est certain, les photographies en témoignent, jeunes à la gueule d’ange.
Soit [a] et [b], garçon et fille, plus vraiment adolescents, milieu bourgeois, étudiants, ne laissant rien paraître, un bref ralenti sur leur silhouette.
En 1994 est sorti au cinéma un film de Oliver S., qui s’appelle natural born killer.
Soit [a] et [b], deux adolescents qui ont vu le film de Oliver S. Ce film selon un certain nombre de critique, mais aussi de sociologues, mais aussi de psychologues ou de psychiatres, pourraient avoir des incidences directes ou indirectes sur le comportement et les représentations des adolescents. Or, [a] et [b] sont encore par leur comportement, et non plus par leur âge, des adolescents. Se pourrait-il alors que l’influence du film d’Oliver S ait eu lieu sur ceux-ci ?
Est-ce que l’événement tiendrait davantage du cinéma américain que des faits réels qui se déroulent dans le monde des hommes et des animaux ?
Soit [a] et [b], deux adolescents, bourgeois, qui ont vu — comme un certain nombre d’autres adolescents — le film natural born killer d’Oliver S. ; deux adolescents, à l’allure bourgeoise, un peu rebelle, qui marchent dans une ville, sans savoir que des psychologues ou des psychiatres pensent qu’un film peut avoir des conséquences directes ou indirectes sur le comportement et les représentations.
Soit [a] et [b], adolescents aux signes distinctifs : néant, près de Pantin, un 4 octobre, pas loin de la ville que l’on nomme la capitale.
Soit [c], travaillant à Pantin, tenant la pré-fourrière, face à lui deux adolescents, un 4 octobre, pas loin de la capitale, deux adolescents, dont il ignore qu’ils ont vu natural born killer, film d’un cinéaste qu’il ne connaît pas, et dont il ne sait pas que des psychologues ou des psychiatres s’interrogent sur les conséquences aussi bien au niveau du comportement que des représentations.
Soit [a] et [b], deux adolescents armés, dans la capitale, un 4 octobre, armés et jouant ou ne jouant pas, le film natural born killer d’Oliver S., dont un certain nombre de psychologues et de psychiatres peuvent penser qu’il implique des conséquences directes ou indirectes sur le comportement des adolescents.
Soit [a] et [b], dans un taxi, le chauffeur [d], en joug, ainsi que le passager. Un 4 octobre dans Paris, deux adolescents, comme les autres, de gauche, CGTiste et peu à peu isolé dans un squat.
Soit [a] et [b], à bout de souffle, déjà [d] abattu, ayant voulu fuir après une collision avec une voiture de police et la mort de 3 d’entre eux. [a] et [b], sorte d’avatar réel de bonnie et clyde, d’un héros gordardien tiré de Pierrot le fou, qui ont vu le film natural born killer d’Oliver S. et dont ils ignorent que certains psychologues ou psychiatres pensent qu’il peut avoir une influence directe ou indirecte sur les comportements et les représentations.
Soit [a], jeune femme, qui vient d’obtenir le bac, et dont le père entend des voix depuis l’âge de 15 ans, mais dont il ne faut pas parler.
Est-ce que l’origine du mal peut tenir dans une logique congénitale ?
Soit [b], de 4 ans l’aîné de [a], fils d’ouvriers, en étude de philosophie, qui peu à peu s’est désocialisé. Est-ce que l’isolement peut être l’origine du mal.
Soit [a] et [b], 21H50, un 4 octobre en fin de course, [b], jeune homme comme les autres, mais mort, après une deuxième fusillade, et [a] penchée sur le visage de ce compagnon sans vie, à l’embrasser.
Est-ce que l’amour furieux peut-être l’origine du mal ?

[fait divers#4]

Noeux-les-mines Janvier 2004

Soit [a] vivant avec [b], tous les deux de même sexe, homme ou femme, peu importe ?, non, sur les photographies c’est évident « hommes », sans doute rien n’aurait eu lieu de la même façon s’ils avaient été tous les deux femmes.
Les fantasmes sont-ils de même nature selon les sexes ?
Soit [a] et [b], deux hommes, vivant depuis deux ans à Noeux-les-mines, Nord, habitant auparavant à Lens. [a] et [b], ni frères, ni père et fils, ni seulement amis, mais amants et aimant, depuis quinze ans installés ensembles, à vivre leur relation, souvent caché, peu visible.
Soit [a] et [b], amants et aimant, homosexuels dit-on, « pédé » dit-on encore, en tout cas désignés souvent péjorativement, alors même que le plus souvent ils vivent cachés, « discrets » dira un voisin, lors de l’audition au tribunal.
Soit [a], « gentil et serviable » dira encore un témoin, loin de toutes les images véhiculées sur l’homosexualité, et pourtant « pédé » dit-on souvent péjorativement tout autour de lui à Noeux-les-mines, ville du Nord où la virilité flamande est encore de rigueur, où les crânes rasés ne sont pas rares, ni non plus les dérapages verbaux.
Soit [a] et [b] vivant encore à Lens, harcelés continûment explique leur avocat, décrivant les faits : insulte marquée sur leur mur de maison, la porte de leur maison incendiée, coup de tournevis dans le dos de [a], tout cela non sans raison, tout cela parce qu’ils sont « pédés » dit-on communément et souvent tout autour d’eux.
Est-ce que la sexualité peut être un motif de violence ?
La différence de l’autre est-elle la suprême offense à l’insouciance de sa propre identité ?
Soit [a], dans le jardin de sa maison de Noeux-les-mines, au mois de janvier, avec la crainte au ventre, car harcelé continûment, il éprouve toujours une appréhension, ne sachant pas s’il ne va pas être insulté ou violenté.
Soit l’ensemble d’éléments [C], jeunes de la région de Lens et de Noeux-les-mines, qui ne supportent pas la différence, ne supportant pas donc l’homosexualité, ni non plus les maghrébins, ne supportant que ceux qui leur ressemblent et donc qui pourraient appartenir à leur ensemble [C].
Soit [C], ensemble d’individus, assez jeunes, pour certains mineurs, ayant tous l’habitude d’harceler le couple [a] et [b], parce que ce sont de « sales pédés et qu’on aura leur peau ».
Soit [C], un après-midi de janvier, tous les éléments n’étant pas dans l’ensemble, mais les plus forcenés étant là, se disant qu’il serait bien de donner une bonne leçon à ces « pédés ».
Soit [C], un peu désoeuvré, ressemblant aux personnages de la vie de jésus de Bruno D., ne sachant que faire, mais voulant donner une bonne leçon à [a] ou [b], ou [a] et [b]. Soit [C], en cet après-midi, muni d’essence, trouvant [a] dans le jardin de sa maison et l’aspergeant puis y mettant le feu. « Vous comprenez on voulait lui donner une bonne leçon à ce sal pédé ».
La différence est-elle le début de la haine ? La méchanceté serait-elle la même, face à l’identique ?
Soit [a], brûlé, un voisin témoin, brûlé au troisième degré à l’âge de 38 ans, tombant alors dans le coma.
Soit [a], défiguré, et choqué définitivement pour sa différence, témoignant d’aucune haine mais de son seul dégoût, de son incompréhension.

[Publication] En tous lieux nulle part ici
[une anthologie]

biennale148.jpgDécembre 2006, publication en anthologie : En tous lieux nulle part ici [une anthologie], sous la direction d’Henri Deluy, au bleu du ciel.
cf. présentation sur Libr-critique
[lire le texte publié]