Éclats de temps (à propos des oeuvres de Cécile Beau)
L’humanité, prise dans le vertige égocentrique, ne semble penser que sa propre temporalité. La question de l’anthropocène montre parfaitement cela. Le monde se réduirait ainsi à sa seule prise en compte, son regard ne dépassant pas sa propre espèce. Heidegger analysant l’ère de la technique, la suprématie d’un Gestell (arraisonnement), comme intentionnalité profonde de notre constitution de la vérité occultant toute autre appréhension, explicite parfaitement cela. Le réel et l’ensemble des étants qui le constituent ne sont plus que des matières premières pour sa propre existence. Même dans les conceptions écologiques, c’est l’essence de la technique qui est portée, c’est la temporalité humaine qui est imposée au vivant, qui est l’étalon de la prise en compte des autres espèces. L’écologie est en quelque sorte le discours de régulation des matières premières nécessaires à notre propre survie. Ainsi l’homme s’est enfermé dans son propre temps. Individuellement il est obnubilé par sa seule finitude, constituée comme quantité, stock de temps. Collectivement, il subordonne toute réalité à sa seule espèce. Narcissisme de la conscience de soi, le temps du monde imploserait dans celui de sa propre histoire.
Le travail de Cécile Beau déporte l’attention de cette limite intérieure de la constitution du temps, ouvre à des dimensions multiples de temporalité non anthropologiquement réductibles. Chacune de ses oeuvres semblent apparaître comme des éclats de temps répondant de réalités distinctes voire hétérogènes.