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[article] Devenirs roman dans la crise de l’interprétation

De quelques devenirs du roman
Si le roman, est donc bien lieu des possibles, comme le souligne le collectif inculte, il nous faut montrer en quel sens il a pu, et peut prendre des tournants, des voies, des directions qui à chaque fois relancent aussi bien sa forme que sa manière de se mettre en rapport au monde.
Tel que l’énonce Emmanuelle Pireyre, “il y a un rapport étroit entre le type de littérature produit à une certaine époque et son contexte historique et social, quant à la manière qu’ont les textes de sélectionner leur lieu d’émission, le terrain où ils prendront place”. Et partir de ce constat, elle met en lumière ce que pourrait être une fiction documentaire, reprenant par là l’expression de Jacques Rancière. La fiction documentaire, si on considère par exemple Jacques-Henri Michot et son ABC de la Barbarie, est la construction d’un fil non ego-référentiel, qui se constitue d’éléments paralittéraires ou intra-littéraires qui sont associés selon une logique de construction pensée par l’écrivain. S’il est évident qu’il y a pour une part destruction ou déconstruction du schéma narratif, toutefois, pourtant tel que le précise parfaitement E. Pireyre, ces expériences ne sont pas à proprement parlé de la poésie, mais hybride, elles s’apparentent aussi à un processus narratif lié au roman. Toutefois leur principe tient au fait de faire disparaître la subjectivité du “Je” [présence au sein du texte], ou encore le personnage, pour poser la présence du jeu seulement comme cet invisible qui lie, relie, expanse, diffracte les documents rassemblés, compulsés, compactés. “La singularité détourne de l’intérieur les langages d’autorité de leur direction, les fait dissoner par juxtaposition et jouer les uns contre les autres”
De même, quand on considère Philippe Vasset et ce qu’il énonce par rapport au devenir machine de ses textes, il met en évidence que l’horizon de chacun de ses livres est davantage une mécanique en devenir, qu’un processus déjà intégré et maîtrisé. Le roman est lieu de l’expérience de l’agencement de sa langue, ce qui implique consécutivement pour lui de reconnaître que “bien sûr, (ses) machines manquent leur but, et même d’assez loin, mais ça n’est pas grave”, au sens où s’ouvre cet horizon, même s’il n’est pas en définitive maîtrisé. Ce qui l’amène à poser que cette recherche de création de machines romanesques, où s’interpénètrent le réel et la langue, devraient le conduire à sortir de l’espace du livre, à tenter une écriture dispositive ou encore en installation, “c’est-à-dire une juxtaposition d’éléments entre lesquels on puisse circuler, un texte préparé comme l’étaient il y a cinquante ans les pianos, bref, une machine”. Ici, on peut penser au travail de François Bon et justement à la question de la machine qu’il n’a de cesse de reposer de livre en livre, d’expérience en expérience. Question de la machine où se rencontrent, se confrontent, d’un côté la langue et de l’autre la réalité sociale, celle du travailleur, de l’ouvrier, de l’économie, du travail. Tumultes apparaît ainsi comme une expérience d’installation, dans son principe web, une expérience qui ne pouvait être faite qu’en-dehors du cadre du livre et du manuscrit, au sens où répondant à une certain forme de contraintes spécifiquement liées à la publication en ligne. On pourrait aussi tenter de saisir le travail de L’Agence_Konflict_SysTM, à travers la question de la narrativité se situant dans l’installation des [petites annonces] en version web, où la textualité se déplie tout à la fois en son, image, texte [1 2 3 4